Un rayon de soleil frôle mon nez. Je souris, je suis bien, je plane. Je suis dans un rêve et ce rayon de soleil me caresse doucement. Je garde les yeux fermés pour éviter que mon rêve ne s'envole, ne s'évapore. J'ai envie de rester dans cette paix. Je me love avec volupté dans cette bulle de bien être, un peu comme un enfant qui dans le ventre de sa mère se dirait: "et si je ne naissais pas! Si je restais là bien au chaud protégé du monde extérieur! "
Voila c'est décidé, j'ai envie de rêver que je suis un bébé alors je le fais! Et pour faire durer le plaisir je vais trainer un peu avant de faire mon apparition sur terre. De toute façon je ne peux rien faire, je suis plaquée au lit, il m'absorbe. Je suis en train de rêver que je suis dans un lit absorbeur maintenant, un lit qui m'engloutit toute entière. Je sens mes veines qui se glacent et qui sous l'effet du froid se rétrécissent. Mes jambes me démangent mais dans mon rêve je ne sais plus où sont passées mes mains, mais où sont donc mes mains? je ne l'aime plus mon rêve, il ne m'obéit plus, il devient désagréable. J'ai peur qu'il ne se transforme en cauchemar, mon cauchemar, toujours le même. Je suis dans la maison familiale, j'ai trés peur de quelqu'un sans visage qui me frappe, je crie, je rassemble tout mon courage pour me défendre mais quand je veux rendre les coups il n'y a plus personne. Combien de fois j'ai fais ce cauchemar dans mon enfance! combien de fois je le fais encore parfois! Mais non ce coup ci j'ai de la chance, je suis bénie par les dieux des rêves et je repars dans les limbes de ce monde doux, apaisant, cotonneux où je joue au bébé capricieux qui refuse de naitre.
Il faut dire que la maison familiale n'était pas faite pour les bébés. Elle n'était pas faite non plus pour les enfants. Parfois je me demande si elle était faite pour que quelqu'un y vive. C'était une demeure majestueuse du 19ième siècle, une de ces demeures que l'on meuble a grand coup de buffets de style emplis de cristaux, de porcelaine et d'argenterie, de tapis d'orient, de lustres gigantesques, de tableaux sinistres mais de grande valeur familiale, une de ces demeures où l'on s'assied du bout des fesses sur un fauteuil napoléonien, craignant toujours de l'abimer. J'ai passé mon enfance assise sur le bout des fesses, je crois bien que je dormais aussi sur le bout des fesses dans mon lit à baldaquins. J'avais une chambre de princesse, une chambre superbe dans laquelle il était difficile de jouer.
Alors là je profite de mon rêve pour jouer au bébé qui ne quitte pas son cocon douillet, pour m'enfoncer encore et encore de tout mon corps dans ce lit qui devient si souple que je vais bientot toucher le sol.
Une main secoue mon épaule, doucement, gentiment. Je sens la main amicale. Je ferme les yeux trés fort, je lutte pour conserver mon rêve qui s'effiloche mais mon rêve part en fumée, j'essais de récupérer des bribes, je m'y accroche mais la main continue sa pression fermement et j'ouvre les yeux, enfin je crois ouvrir les yeux parce que la main au lieu de me réveiller me fait basculer dans un cauchemar. Ce n'est pas mon cauchemar mais je me demande si ce n'est pas pire. Je me suis transformée en usine pleine de tuyaux; il y en a partout. IL y a plein de gens autour de moi, ils s'agitent, ils caquettent, ils me donnent le tournis. Je vais vomir, oui je vais vomir. Je crie " je vais vomir!" Mais on est dans un cauchemar alors aucun son ne sort de ma gorge. Je vomis partout et les gens s'agitent de plus belle. Je veux arracher les tuyaux. Mes mains ont disparu. Jamais là quand on a besoin d'elles. Je vais me lever mais où sont mes jambes? je vais me réveiller, il faut que je me réveille, que je me lève ou alors que je retrouve mon rêve de bébé qui refuse de venir au monde. Et si je fermais les yeux à nouveau je pourrai attendre un peu que le réveil sonne et me délivre de cette horreur. Il sonne ça y est, il sonne.... "allo" Une des agitées a décroché le téléphone.
_ elle se réveille doucement, elle est sortie d'affaire mais elle ne peut pas vous parler pour le moment, je vous rapelle dés qu'il y a du nouveau.
Mais de qui parle t elle? Moi je ne suis pas réveillée, je suis en plein cauchemar entourée de tuyeaux et de gens fous qui se prennent pour des derviches tourneurs. La main se pose sur mon épaule, c'est celle qui m'a révellée, je la reconnais.
_Votre maman vient de demander de vos nouvelles.
Ma maman! ça y est je suis née, je n'ai plus le choix.
J'ouvre les yeux doucement. Les tuyaux sont toujours là. Ils me relient à des poches de liquides suspendues à une sorte de pied métallique. Je ne peux toujours pas bouger. Les gens sont partis. Il ne reste qu'une femme, la propriétaire de la main je suppose. Je voudrai lui demander ce que je fais ici, mais je ne peux toujours pas parler. Je referme les yeux espérant un miracle, je les ouvre de nouveau: rien n'a changé. Pour une raison que j'ignore je me retrouve dans ce lieui ncongru et je n'ai plus de voix pour demander ce que je fais ici. La dame qui est dans la pièce semble avoir des antennes. Elle s'approche de moi, regarde mon visage et lis dans mon regard interrogateur.
_Ne vous faites pas de soucis, vous avez eu un accident. Vous êtes à l'hôpital. Vous avez eu plusieurs fractures. Le chirurgien ne va pas tarder à passer vous voir, il vous donnera plus de détails.
J'ai eu un accident et j'ai quelques fractures, rien de bien effrayant finalement. Je replonge au plus profond de mon lit et me laisse bercer par mes rêves éveillés.